Tout enfant est en quelque façon un génie, et tout génie un enfant.
— Arthur Schopenhauer
L’âge nous momifie.
Chaque seconde marque un pas de plus dans la direction de l’évolution que nous avons choisie. Nous avons tant créé, collectivement, d’infrastructures, de matériel, de machinique.
Et à côté de tout cela, une poignée de génies en a profité pour redéfinir un rapport au monde, à l’amour, au vivant, à l’immatériel. Une quête de l’infiniment grand, donc ! Plutôt qu’une concrète évolution.
Où peuvent donc se cacher toute divinité, toute magie, tout amour, toute part d’incompréhensible que nous puissions constater à notre échelle, sinon dans le cœur d’un enfant ?
N’est-ce pas là le seul endroit où toute corruption n’eut pas encore assez pris pied pour que nous ne puissions la déraciner et ouvrir enfin sincèrement la porte à un renouveau ? Où nous puissions envisager une réelle utopie ?
N’est-ce pas là le seul endroit que nous puissions sauver pour, vraiment cette fois-ci, nous sauver tous ?
Comment alors ne pas voir en eux l’unique réel espoir de victoire dans cette nécessaire bataille face au prosaïque ? Comment ne pas se dire que ce sont eux qui ont réellement les cartes (pourvu que nous les guidions ?) pour revisiter totalement la fondation, pour insuffler un réel inédit… pour bondir hors de tout !
Ce sont eux qui n’ont que faire du normé, du prédictible, du calculable, du nommé, de l’utile, du reproductible.
Ce sont eux qui, en leur pur sein, portent toute la magie d’un univers qui ne nous est, à nous adultes, plus accessible — ou partiellement.
Ce sont eux qui ne font pas de toute apparition divine un luxe, mais une nécessité.
Ce sont eux qui s’émerveillent du détail et de l’absolu.
Ce sont eux qui vivent, et aiment, vraiment.
Notre volonté est d’inverser le cours du temps. Cherchons à faire du vieillissement le vecteur d’un rapport universellement embelli et poétisé au monde, là où nous l’avions laissé aux mains d’un système obscurisé, concurrentiel, concrètement bâti sur une haine viscérale de l’autre, qui n’avait donc pas manqué de faire de ce vieillissement son meilleur allié.
Expliquons à nos enfants, à ceux de demain, à ceux qui ne sont pas encore tombés dans la dépendance d’un monde ô combien divisé, catégorisé, séparé et du même coup pluriel, qu’ils sont la solution.
Plaçons-en eux notre espoir d’un renouveau. Ça ne peut venir que de là. Aidons-les à concevoir ce jardin magique peuplé de toutes les graines qu’ils voudront bien y semer, et qui devra fleurir, justement, d’un inconcevable. Ne rêvons que de voir leur création se dérober à notre compréhension, et d’accéder à tout ce qui nous échappe.
Expliquons-leur à quel point ils sont les mieux placés pour dire l’Amour.
À quel point leur imagination dépasse notre entendement à tous.
À quel point la force de ce qu’ils ressentent dépasse celle-là même des plus grands philosophes de notre temps et des autres.
À quel point il ne tient qu’à eux, à leur résilience face au piège qui leur est tendu, à la force de leurs idées et de leurs cœurs, de faire du monde de demain un monde muni d’une solution. Un monde qui ouvrirait la porte à un univers ; à infiniment plus.
À quel point il ne tient qu’à eux d’en faire un monde qui aime, vraiment.